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Baptisé mais non croyant, « presque catho », et si je voulais organiser des obsèques en dehors de l’église ?

Au cours d’une discussion sur notre rapport à la religion, la remarque d’une amie, Sandrine, m’a interpellée « Je n’ai pas fait baptiser mes filles car moi je l’ai été mais je ne suis jamais allée à l’Eglise. Si je devais mourir demain, je pense que ma famille serait bien embêtée pour savoir quoi faire. Je ne crois pas en tout ça alors ce serait vraiment bizarre, voire hypocrite d’être enterrée dans ce lieu que je n’ai jamais fréquenté de mon vivant ».

A partir de cet échange un peu anodin, j’ai voulu aller analyser cette attitude pas tout à fait nouvelle, qui traduit selon moi un véritable enjeu de société. 

Absence de pratique religieuse, sentiment d’hypocrisie envers la religion, gêne de la famille pour organiser une cérémonie.

Les funérailles sont une étape clef du deuil. Mais, lorsqu’on ne se réclame pas d’une religion, n’est-il pas plus difficile d’organiser de belles funérailles ? Qui est aux côtés des familles athées pour les accompagner dans cette étape essentielle du deuil ?

 

Plus de la moitié des français ne se réclament d’aucune religion

En 2012, l’association de sondages WIN/Gallup International, spécialiste de la religiosité, a demandé à un panel représentatif de 1671 français s’ils se considéraient religieux, non religieux ou athées convaincus. A cette question, environ un tiers des personnes interrogées répondent être « non religieux » et presque un autre tiers « athées ».

Parmi les chrétiens, population la plus représentée et la plus étudiée statistiquement, seuls 30% déclarent être des pratiquants réguliers.

 

Pourtant en France aujourd’hui, encore près de 70% des cérémonies d’obsèques se passent à l’Eglise

Si de moins en moins de personnes sont pratiquantes, ou même croyantes, le nombre de funérailles religieuses décroit moins vite que le nombre de mariages religieux.

Les enfants, qui organisent le plus souvent les obsèques de leurs parents, souhaitent respecter la volonté de ceux-ci, issus d’une génération où la religion faisait d’avantage partie du quotidien. Néanmoins, cette réponse ne semble pas être la seule capable d’expliquer ce choix encore très fréquent dans notre société.

Dans un livre sur la question des funérailles pour les personnes éloignées de l’Eglise, le prêtre Pierre Vibert présentait les différentes raisons qui poussaient les familles à faire ce choix religieux au moment d’enterrer leurs proches non pratiquants.

Photo : Annie Spratt

Photo : Annie Spratt

 

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Je les résume ici en 4 points :

1. Le respect d’une forme de tradition

« Chez nous on n’est pas pratiquants mais on a toujours enterré nos morts à l’église, je ne sais pas comment on pourrait faire autrement. »

2. Le désir de « faire tout ce qu’il faut » pour ses morts

« Il a tellement fait pour nous, alors nous voulons l’honorer et le remercier. On ne va pas l’enterrer comme un chien ! », et son corollaire : le sentiment de mal faire si le sentiment de spiritualité n’est pas présent lors des obsèques.

3. L’idée que pour des personnes nées dans une culture chrétienne, seule l’Eglise sait et a les compétences pour « gérer et parler de ces sujets-là »

Pour beaucoup, les institutions religieuses sont les seules qui offrent la possibilité d’un rassemblement, d’une union entre le défunt, la famille et la société.

De plus en plus de sociétés de pompes funèbres proposent d’organiser des cérémonies civiles mais celles-ci le proposent la plupart du temps comme un service « commercial » moins bien accepté par les familles qui recherchent avant tout la compassion.

4. Le retour à des questionnements plus profonds

De nombreuses  personnes qui avaient laissé de côté les questions religieuses sentent remonter en elles, lors d’un décès des questions fondamentales et universelles « Quel est le sens de la vie ? Que se passe-t-il quand on est mort ? ». Les philosophes et psychologues peuvent accompagner les femmes et hommes concernés, mais rarement dans le temps court qu’est celui qui sépare le moment du décès de celui des funérailles.

En résumé, les proches qui organisent des cérémonies religieuses, sans forcément que la religion fasse partie de leur vie le font par tradition, respect, confiance et spiritualité.

 

Le désir de spiritualité est bien présent, même s’il est dé-corrélé des questions religieuses

La notion de spiritualité regroupe de nombreux questionnements intimes, comme la quête de sens, l’espoir ou la libération et les démarches qui s’y rattachent : initiations, rituels, développement personnel. Celle-ci n’est donc pas forcément en lien avec la religion, même si cette dernière permet d’y apporter un cadre.

Car même en dehors de toute religion, le besoin de ritualisation reste essentiel lors d’un décès. Cette thèse, soutenue par Gabriel Ringlet, prêtre belge investi dans l’accompagnement de la fin de vie, semble faire consensus.

Dans une interview au journal La Croix, Il explique que des personnes non croyantes lui demandent parfois d’accéder à un lieu sacré et beau pour pouvoir célébrer des funérailles, sans pour autant vouloir une cérémonie religieuse. Gabriel Ringlet se réjouit de ces demandes. Il lui est même arrivé d’écrire des « prières » laïques pour des personnes qui ne voulaient pas de cérémonie religieuse et trouvaient que les textes à leur disposition n’étaient pas assez riches de sens.

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On ne va pas dire « vous n’êtes pas croyants, mais venez quand même chez nous », mais « vous n’êtes pas croyant, on va vous aider à célébrer et à le faire bien ». Gabriel Ringlet

 

Des convictions souvent variées lors de funérailles

Le rassemblement des personnes variées en termes de cultures et de croyances est rarement une difficulté lors de funérailles. Le lien, qu’il ait été direct ou indirect avec le défunt, est la raison du rassemblement. Cette communion, ce fait d’être ensemble est le premier point de départ pour des obsèques réussies.

Certes, les sentiments et points de vue de chacun peuvent être variés…

  • Les indifférents/moqueurs qui n’ont jamais vraiment cru en Dieu,
  • Les déçus, qui n’y croient plus tellement ils voient d’injustices -maladie, chômage, exclusion- autour d’eux,
  • Les agnostiques/sceptiques,
  • Ceux qui pensent que la mort, c’est le néant, la cessation totale et définitive de l’être et que la religion n’est qu’une consolation facile mais illusoire,

…mais pour eux aussi, célébrer un moment fondamental de la vie, comme celui des funérailles, est quelque chose de tout à fait essentiel.

Certaines personnes peuvent néanmoins ressentir un sentiment « d’imposture » vis-à-vis de l’Eglise lorsqu’elles organisent les obsèques d’un proche en son sein, en particulier si le défunt n’était pas particulièrement pratiquant, et qu’il n’avait pas exprimé de souhait quant à ses funérailles.

Il y a donc d’autres alternatives, qui permettent d’organiser des cérémonies pleines de sens, respectueuses de la mémoire du défunt, en reprenant pourquoi pas certains codes des cérémonies religieuses, mais sans faire appel à la religion de manière « officielle ».

En synthèse ? Notre société est de moins en moins croyante, mais elle a toujours besoin de rituels et de moments de communion pour rendre hommage et commencer un processus de deuil.

Réaliser un livre se souvenirs Une Rose Blanche en est un. Trouvez d’autres exemples dans le livre de Sarah Dumont « Un enterrement comme je le veux« .

 

Photo de l’article : Stephen Radford

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