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Découvrez le témoignage de Karen suite au suicide de son frère

Karen est américaine. J’ai fait sa connaissance sur un forum d’entraide entre personnes en deuil. Suite au suicide de son frère, David, elle a ressenti une profonde colère contre le monde dur et injuste qui l’entourait. Ses sentiments douloureux, elle les exprime avec des mots d’une authenticité bouleversante. Touchée par un de ses écrits, Karen m’a autorisée à vous en livrer une traduction.

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« Mon frère s’est donné la mort fin 2016 et a laissé une lettre à notre famille. Dans sa lettre, il est écrit :

 

Je vous aime tous très fort et je suis sincèrement désolé de la douleur que cela va provoquer à un moment ou un autre. Je vous assure, à chacun d’entre vous, que vous n’êtes en rien responsables de ce que j’ai fait. Vous allez probablement rechercher quelqu’un à accuser ou quelque chose à blâmer. S’il vous plait, ne le faites pas. S’il vous plaît, ne vous disputez pas les uns les autres quant à la responsabilité de mon geste. Il n’y a rien qu’aucun d’entre vous aurait pu faire. Aucun d’entre vous n’a quoi que ce soit à se reprocher. S’il vous plait, trouvez un moyen de rester fort pour les filles.

Mais moi, je veux un responsable. Et j’en veux à mes parents pour le suicide de mon frère.

 

J’en veux à mes parents d’avoir élevé mon frère avec trop d’empathie et de compassion pour les autres. Ils lui ont appris à aimer les autres et à les traiter avec respect, loyauté, compassion et considération. Chaque jour, ils ont construit un mariage respectueux, tenant en estime la famille, les amis, les voisins et les événements marquants de l’actualité.

Ils lui ont appris à être la meilleure personne possible et ensuite ils l’ont mis face à un monde rempli d’êtres à même de se révéler à l’opposé de ces valeurs. Il ne pouvait supporter ou comprendre le monde car il a grandi avec trop d’empathie et de compassion pour être en mesure de comprendre comment les hommes pouvaient être si cruels et irrespectueux envers d’autres êtres sans raison valable.

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La couleur de la peau, les croyances, les situations professionnelles ou financières, les styles, les genres, les orientations sexuelles n’ont jamais eu d’importance pour David. J’en veux à mes parents de lui avoir appris à être trop bon dans ce monde plein de cruauté.

 

J’en veux à mes parents d’avoir appris à mon frère à se mettre à la place des autres, et à essayer de comprendre pourquoi les choses étaient telles qu’elles étaient. Ils lui ont appris à penser aux autres et à leur situation avant de jeter la première pierre. Mais ensuite, ils l’ont envoyé dans un monde rempli d’êtres égocentriques, égoïstes et autocentrés. J’en veux à mes parents.

 

J’en veux à mes parents d’avoir appris à mon frère à se comporter avec droiture dans la sphère professionnelle. Ils lui ont appris à épargner et à vivre selon ses moyens. Ils lui ont appris à travailler dur à l’école, dans ses emplois et petits boulots, et dans toutes les choses qu’il devait faire ou qu’il voulait accomplir. Ils lui ont appris à être généreux et à aider, et non à profiter. Il n’a intégré le monde que pour constater le manque total de réciprocité en matière d’éthique professionnelle. J’en veux à mes parents de lui avoir appris que le travail paye toujours dans un monde qui n’y croit pas toujours.

J’en veux à mes parents pour avoir envoyé mon frère dans un monde où un coureur placé sur la même ligne de départ que lui crache dessus sur la piste car il ne prend même pas la peine de regarder s’il y a quelqu’un derrière lui… alors qu’il n’avait appris qu’à estimer autrui.

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J’en veux à mes parents d’avoir instillé à mon frère un sens des responsabilités si fort au travail alors qu’il était avec des personnes qui faisaient peu de cas du travail fourni et se contentaient de lui rendre la tâche plus difficile. J’en veux à mes parents pour avoir envoyé mon frère dans un monde où des gens détruisaient sa ville, juste devant son appartement en pillant, en cassant des fenêtres et en manifestant dans la violence… alors que mes parents ne lui ont appris que le respect.

J’en veux à mes parents de lui avoir donné un cœur qui pourrait être blessé par d’autres êtres alors qu’il était juré pour le procès d’un homme noir arrêté et accusé à tort.

 

La pomme ne tombe jamais loin de l’arbre. La vie est gage de leçons, alors s’il vous plait, priez pour mes filles. Je suis le reflet de mes parents et ce qu’ils m’ont appris est la seule chose que je connais. J’en veux à mes parents car j’élève mes filles de la même façon que mon frère et moi avons été élevés. Mon mari et moi apprenons à nos filles l’empathie, la compassion, l’éthique et la générosité.

 

J’en veux à mes parents pour nous avoir aimé, mon frère et moi, de tout leur être. Je vous le demande : Vous aussi accablez-les ! Peut-être que si vous partagez ma colère, alors le monde changera.

 

Je vous aime, Maman et Papa

Karen Taylor Peloquin « 

 

Traduit de l’anglais par Pauline

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Photo de l’article : Ben Blennerhassett

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