Etre résilient face au deuil, le témoignage de Karen
Il y a quelques mois, vous avez découvert avec émotion les mots bouleversants de Karen suite au suicide de son frère David. Avec ce décès brutal, il a un an, le 28 décembre 2016, Karen vivait pour la deuxième fois de sa vie la perte d’un proche.
Sa première expérience du deuil, Karen la partage dans d’un témoignage donné au site américain Option B. A travers celui-ci, elle nous livre un message d’espoir et nous montre que dans l’adversité et après la perte brutale d’un proche, la reconstruction est possible.
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« Mon fiancé, Chris Raynor, ne ressemblait à aucun autre. Tellement facile à vivre et sociable qu’on ne pouvait s’empêcher de sourire en sa compagnie.
Nous nous étions rencontrés à l’anniversaire d’un ami commun en 2006. À l’époque, je vivais dans les montagnes de Caroline du Nord et lui à Raleigh, la deuxième ville de l’Etat. Nous avions entamé une relation, puis j’avais emménagé chez lui l’été suivant. Nous aimions aller à des concerts, voir des amis, faire la cuisine et tout simplement être ensemble. L’été d’après, nous achetions un appartement, puis il m’a demandée en mariage. Celui-ci aurait lieu le 12 septembre 2009. »
« Nous nous réjouissions de rassembler nos amis et familles pour marquer notre union. Nous avions préparé une belle fête à Raleigh. La veille du mariage, nous avions fait une répétition pour la cérémonie à l’église et avions partagé un repas avec nos amis les plus proches. Je suis heureuse que tous nos amis les plus chers aient pu lui dire à quel point ils l’aimaient. Tout était parfait.
Le matin du 12 septembre, jour de notre mariage, Chris a eu un accident de voiture. Un chauffard a brûlé un feu rouge et Chris est mort sur le coup. On venait de finir ma coiffure et ma meilleure amie de mettre à mes oreilles les perles que Chris m’avait envoyées comme surprise. La maman de Chris m’a appelée et m’a informée de l’accident mais elle n’en savait pas plus. J’ai appelé l’hôpital et ai demandé plus d’informations mais ils ne voulaient rien me dire. Alors j’ai dit de ma voix la plus ferme : « Je suis en robe, prête à me marier. Dois-je rester ici à attendre ou dois-je venir à l’hôpital ? ». On m’a répondu de me rendre à l’hôpital.
Mes témoins et mes parents m’ont conduite à l’hôpital, où nous avons rejoint les témoins et parents de Chris. La maman de Chris nous a annoncé qu’il n’avait pas survécu à l’accident. Je me souviens être tombée à genoux et avoir fondu en larmes. Et un des meilleurs amis de Chris s’est approché et m’a serrée très fort dans ses bras. »
« J’ignore encore comment nous avons survécu ce jour-là. Nous étions dans un tel état de choc que je ne peux même pas exprimer la tristesse que nous avons ressenti. Nous nous sommes rendus à l’église, où notre mariage s’est transformé en lieu de recueillement. Les invités venus pour le mariage apprenaient le décès de Chris à leur arrivée. »
« La force arrive par vagues au cours du chemin du deuil »
« J’ai eu comme un tsunami de force à l’église ce jour-là. Je me suis levée après que nous ayons tous chanté Amazing grace, j’ai parlé de mon amour pour Chris, de la gratitude dont j’étais remplie pour la soirée que nous avions passée la veille, lors de laquelle nos amis avaient eu le temps de lui dire à quel point ils l’aimaient. Je ne sais pas trop d’où cette force m’est venue, mais je suis reconnaissante d’avoir eu cette force à ce moment-là.
La force n’a pas duré et je suis entrée dans une phase de dépression sans précédent. Je me sentais seule et incapable d’avancer. Mes amis se fiançaient, se mariaient, avaient des enfants… et moi je ne me sentais pas du tout à ma place. »
« Le chagrin, c’est comme un iceberg »
« Je pourrais expliquer comment j’ai réussi à rebondir : raconter une histoire profonde, extraordinaire, belle et inspirante – et ça l’a été – mais bien sûr, c’est un peu plus compliqué que ce qu’on voit à la surface. Si on regarde un iceberg, au premier abord, c’est une belle montagne de glace. Mais on ne voit pas la profondeur qui se trouve en-dessous. Après le décès de Chris, il y a eu des jours où je restais au lit toute la journée et me levais uniquement pour sortir le chien. Et il a eu des jours où je n’avais plus envie de vivre.
Heureusement, il y a aussi eu beaucoup de jours où une vague d’énergie m’envahissait et me faisait me sentir à nouveau vivante. J’écoutais mon corps et je m’autorisais à être comme mes émotions me disaient d’être. J’ai vu un psychologue toutes les semaines, ai rejoint un groupe de veuves, et ai commencé à lire des textes sur le deuil et autres histoires inspirantes sur la vie. J’ai tissé des liens avec les personnes rencontrées dans le groupe et ai commencé à me sentir moins seule. J’ai commencé à lire Eat Pray Love et ai décidé de voyager un peu en solitaire. Je suis allée à Hawaï et dans le Maine et y ai réappris à m’aimer moi-même. J’ai commencé le jogging et en suis venue à courir des semi-marathons, un marathon complet et maintenant des triathlons.

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Sur les conseils d’amis, je me suis inscrite sur un site de rencontres. Certains rendez-vous étaient comiques, d’autres m’ont fait retomber en dépression, me rappelant combien Chris me manquait. Et enfin, une rencontre m’a menée à mon exceptionnel mari.
Nous avons ensemble mis au monde deux superbes filles. Je suis fière de la personne que je suis devenue après le décès tragique de Chris. Jamais je ne l’oublierai mais je suis convaincue qu’il serait fier de moi, de me voir vivre aussi intensément que lui le faisait. »
« Il y a un an, dans un tout autre contexte, un événement m’a replongé dans l’expérience difficile du deuil »
« Je traverse actuellement avec douleur la même difficile expérience du deuil. Mon frère David s’est donné la mort le 28 décembre 2016. Il vivait seul à Portland, dans l’Oregon et sans qu’aucun de notre famille ne s’en rende compte, il préparait son départ depuis des mois. David avait une âme pure. Il était authentique, aimant et souhaitait le meilleur à tout un chacun. La dépression a eu raison de lui et mon cœur est brisé d’avoir perdu un être aussi exceptionnel que j’ai eu la chance d’avoir comme frère. Au cours de ses heures les plus sombres, David avait rédigé un testament dans lequel il avait écrit des lettres d’amour, payé ses dettes, prévu de donner tout ce qui lui appartenait, financé ses obsèques, et il avait même prolongé un abonnement de mes parents pour qu’ils n’aient pas à le renouveler. J’avais mon frère au téléphone toutes les semaines, si ce n’était pas tous les jours. Je ne me doutais pas qu’il était si mal, et encore moins qu’il pouvait planifier de donner fin à ses jours.
J’adorerais dire que je gère la situation mais c’est encore récent et je me bats sur ce chemin du deuil à nouveau. Mais je fais de mon mieux et je sais que c’est cela le plus important dans le deuil.
Mon frère m’avait commandé une paire de chaussures pour Noël, que j’ai reçue le lendemain de sa mort. D’abord, j’ai décidé de reporter à l’année suivante ma participation à la course que j’avais prévue de courir en mars. Après la visite de nombreux amis, et membres de la famille, leurs cartes, livres, douceurs, j’ai réalisé que je me devais de faire cette course pour moi ainsi que pour mon frère, qui suivait avec enthousiasme chacune de mes participations, et qui était lui-même un bon coureur. »
Chaque jour où je me lève est une victoire.
Chaque jour où je souris et ris avec ma famille est un véritable don dont je mesure l’importance.
Chaque jour où je vois quelque chose qui me fait penser à Chris ou David, mon cœur se remplit de peine, d’amour mais aussi de courage.
Chaque jour, je me rappelle de mes joies, car c’est facile pour l’ombre de ne pas laisser de place à la lumière.
Chaque jour, je regarde la fleur de lotus et me sens inspirée. Le lotus pousse dans des eaux sombres et boueuses mais se révèle comme une jolie fleur.
Ceci me rappelle quotidiennement que ma vie a toujours un superbe potentiel malgré l’obscurité et l’adversité rencontrées.
Rendez-vous sur le site de Option B pour lire le texte dans sa version originale.
Photo de l’article : Felix Russell-Saw