Que faire lors du décès d’un collègue ?
Nos collègues ne font pas partie de notre intimité et pourtant nous les voyons au quotidien. Nous partageons avec eux des réunions ennuyeuses, des séminaires arrosés, le stress d’une réorganisation, les cafés à débriefer de nos week-ends… On partage tellement avec ses collègues… Et pourtant, il n’est pas aisé de trouver sa place auprès de la famille lorsque l’un d’entre eux disparaît.
Faire face au décès d’un collègue : une étape douloureuse dans une entreprise et à laquelle on n’est pas préparé
Une entreprise se prépare rarement au décès d’un collaborateur. Lorsque cela survient, elle est complètement démunie. Comment communiquer avec la famille ? Comment se mobiliser entre membres de l’équipe ? Chaque situation est tellement unique qu’une «procédure des choses à faire» paraîtrait complètement dénuée d’humanité.
Au cours de ces 6 derniers mois, Une Rose Blanche a accompagné plus d’une trentaine de groupes qui faisaient face au décès d’un collègue. Nous les avons aidé à dresser collectivement le portrait de celui qui apportait les croissants, de celle qui était discrète et à qui on aimait se confier, de celui-là encore qui aimait raconter des blagues et divertir ses coéquipiers.
A partir de cette expérience récemment acquise, nous avons tenté de vous donner quelques conseils si vous êtes vous aussi malheureusement en train de vivre cette épreuve.
1. Rendre un hommage collectif à ce collègue disparu
Qui prend le lead dans l’entreprise ? dans l’équipe ?
C’est souvent une personne qui se sent directement concernée par le décès du salarié qui prend l’initiative de faire un geste pour la famille et de s’impliquer pour organiser « quelque chose ». Il s’agit souvent du manager, parfois d’un représentant des RH ou encore d’un collègue proche. Parfois c’est directement la Direction Générale qui s’en charge pour témoigner de l’émoi de l’entreprise toute entière.
Que faire vis-à-vis de la famille du défunt ?
Une cagnotte est parfois organisée pour acheter des fleurs pour la famille. Certains collègues peuvent décider de se rendre aux obsèques. La mise à disposition d’un livre de condoléances peut être également proposée dans le cadre du travail. Mais souvent, le sentiment de «ne pas avoir fait assez» perdure. Si ces options proposées ci-dessous ne vous semblent pas suffisantes, faire un livre de souvenirs peut faire sens. Surtout si votre collègue avait des enfants, et que vous souhaitez leur dresser un portrait autre.
Comment laisser à chaque collaborateur la place pour s’exprimer ?
Ce que nos clients ont aimé en faisant un livre Une Rose Blanche, c’est la possibilité de laisser un espace d’expression individuel dans le cadre d’un hommage collectif. Chaque personne avait un rapport différent à ce collègue défunt. Chacun a aussi sa personnalité et vit la disparition du collègue de façon personnelle. Dans le livre de souvenirs, chacun trouve sa place : certains écrivent un message très personnalisé en racontant des anecdotes et en ajoutant des photos prises lors de séminaires ; d’autres au contraire vont rester discret et participer plus sobrement, avec quelques mots simples de compassion.
2. Témoigner de manière sincère
Dans les groupes que nous avons accompagnés au cours des derniers mois, les personnes ont pu témoigner à la famille de leur collègue toute leur compassion et leur soutien de manière authentique. Alors que les proches reçoivent de nombreux messages de condoléances assez peu personnalisés, recevoir un livre de souvenirs est un hommage unique : savoir que leur époux, leur épouse, leur père, leur mère était apprécié(e) au travail. S’entendre raconter des anecdotes les aidera à rester fiers de leur proche disparu.
Nous vous partageons ici quelques extraits :
“Patrick était notre collègue depuis 11 ans. Il apportait les croissants à chaque rentrée scolaire. Et avait instauré un roulement : chaque vendredi, un membre de l’équipe devait apporter un gâteau fait maison aux collègues. Bon, la règle du « fait maison » s’est assouplie avec le temps mais le plaisir est resté inchangé.”
“Jean-Pierre était fan de foot. Chaque fois que je l’avais au téléphone, il me chambrait sur le classement de St Etienne au championnat, le club que je suis depuis toujours. C’était un peu son running gag et ça me faisait bien rire. Ces bons moments vont me manquer.”
“Emeline était ma tutrice lors de mon stage de fin d’études chez Orange. Elle m’a tout de suite intégrée à son équipe et m’a beaucoup appris. J’ai ensuite changé de service, mais c’était à chaque fois un réel plaisir de la recroiser à la cantine, lors des séminaires. Je garde d’elle son sourire, son énergie et l’attention qu’elle attachait au fait que chacun progresse dans son équipe.”
3. Proposer un accompagnement individuel aux personnes impactées
Pourquoi proposer un accompagnement ?
Quel que soit le niveau de proximité avec le collègue défunt, on peut se sentir très affecté. Perdre un collègue, encore actif, encore jeune, a impact sur tous. Cela pour nous renvoyer à notre propre mort ou nous rappeler un deuil passé. Ainsi, les personnes les plus impactées ne sont pas forcément les plus “proches” du collègue récemment disparu.
Or, dans un cadre professionnel, inconsciemment, la plupart d’entre nous refoulent leurs émotions et n’expriment pas leurs peines ou difficultés. Cette réaction vient de la peur d’être vu comme quelqu’un de faible. Néanmoins, le décès d’un collègue peut avoir de très fortes répercussions sur nos comportement et notre concentration au travail.
Quel type de dispositif peut-on proposer ?
Parmi les groupes accompagnés, certaines grandes entreprises avaient mis en place un dispositif d’écoute avec le médecin du travail. Des entreprises plus petites avaient encouragé leurs collaborateurs à contacter une hotline téléphonique spécialisée. Que ces dispositifs aient été utilisés ou pas (ils le sont souvent assez peu), le symbole est fort pour les membres de l’équipe qui survivent à leur collègue : c’est une manière de leur dire qu’ils ont le droit de se sentir mal, que leur peine est prise au sérieux et qu’ils peuvent recevoir de l’aide s’ils en ressentent le besoin.
Dans les faits, une DRH m’a confiée que les collaborateurs concernés préféraient voir un spécialiste dans un cadre extérieur au travail.
Enfin, si vous apercevez qu’un de vos collègues n’arrive pas à vivre ce deuil d’un coéquipier, on vous encourage à oser lui en parler. Cela pourra lui faire prendre conscience qu’il n’est pas seul et qu’il est compris. Il est tout aussi important, surtout si rien n’est mis en place dans votre entreprise pour le soutenir, d’en faire part à un supérieur hiérarchique. Des aménagements du temps de travail, bilans psychologiques ou groupe de parole pourraient être mis en place.
Photo de l’article : Tim van der Kuip