Pourquoi a-t-on peur de la mort ?
Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi vous aviez peur de la mort ? Moi oui. Et l’hiver dernier, j’en ai parlé à un monsieur âgé, Michel, qui vit dans le village voisin de celui de mes parents et à qui je rendais visite.
Je souhaitais lui parler de mon blog, à lui qui avait été bénévole pendant de nombreuses années. Il avait eu l’occasion d’aider des familles de sa paroisse à préparer des obsèques religieuses. Et pourtant, il avait abandonné ce rôle, à 88 ans et je souhaitais savoir pourquoi.
J’avais déjà imaginé la réponse : lorsqu’on se rapproche soit même de la mort, trop y penser doit donner un peu le bourdon… Sa réponse fut tout autre. « Non, je n’ai pas peur de la mort. Quand on est croyant, on n’a pas peur de la mort. »
C’est en recueillant d’autres témoignages, que j’ai compris que c’était rarement notre propre mort que l’on craint. C’était celle des autres qui nous effrayait le plus.

J’ai creusé cette idée, et dans le même temps, une amie m’a partagé un billet de François Xavier Bellamy . C’est un philosophe normalien qui écrit beaucoup de choses très intéressantes mais pas toujours très faciles à comprendre. Sur plusieurs sujets, je ne partage pas le point de vue de cet homme de droite. Néanmoins, le lire donne à réfléchir.
La mort des autres nous fait plus peur que notre propre mort
Ainsi, il soutient en citant notamment des écrits de philosophes de l’Antiquité, que ce qui nous affecte le plus, c’est l’idée de la mort des autres.
Epicure expliquait par exemple combien avoir peur de la mort est irrationnel. Pourquoi faudrait-il redouter ce que nous ne vivrons jamais ? Tant que nous sommes en vie, la mort n’arrive pas. Et quand elle viendra, c’est que nous ne serons plus là pour la voir… Il affirme donc que « la mort n’est rien pour nous »… Nous ne devons donc pas nous en inquiéter.
Pourtant, lorsque l’expérience de la mort entre dans nos vies, c’est un bouleversement difficile. C’est pour cela que nous n’aimons pas y penser et que le sujet peut devenir tabou.
Lorsqu’un proche disparaît, il emporte avec lui ses projets, ses joies, ses peines. Et fait place à des souvenirs, des émotions, le manque ou la nostalgie. Si cette personne n’est plus là pour vivre ce manque, c’est nous qui le subissons le plus. Il est donc plus rationnel de craindre la mort des autres que sa propre mort, car c’est elle qui aura le plus d’impact sur nos vies.
En disant adieu à d’autres, nous vivons déjà, à chaque fois, une expérience du grand départ. Si nous ne pouvons pas connaître la mort à titre personnel, notre vie sociale, elle, est « pleine de morts ». Et il n’est pas facile de gérer les émotions provoquées par quelque chose dont nous ne ferons jamais l’expérience personnellement. Alors nous restons là, un peu interdits, parlant beaucoup sans trop savoir que dire, car comment pourrait-on décrire le monde familier qui se trouve maintenant empêché de réapparaître ?
Apprivoiser la certitude de notre mort, ce n’est pas renoncer à vivre
Contexte philosophique
Francois Xavier Bellamy cite Bossuet, dans son Sermon sur la mort. Il nous montre à quel point ce dernier se moque de nos stupéfactions d’aujourd’hui : « On n’entend dans les funérailles que des paroles d’étonnement de ce que ce mortel est mort. » Même lorsque cette nouvelle est rendue plausible par l’âge ou la maladie, elle est pourtant souvent brutale. Elle nous remet sans détours devant l’évidence de notre condition, que nous voudrions oublier.
En cela, la mort des autres peut avoir un impact très fort sur nous, négatif bien sûr, mais aussi positif. En effet, prendre conscience de la mort, c’est retrouver le sens de la valeur infinie de chaque vie. Ce rappel nous pousse à retrouver notre attention aux vivants qui nous entourent, connus ou anonymes, à savourer les petits bonheurs de la vie quotidienne. Mais aussi à profiter de l’instant en sachant que chaque moment de vie est un cadeau précieux, à chérir.
Le témoignage poignant d’Holly
Accepter la certitude de notre mort peut nous faire remettre les choses à leur juste place. C’est l’idée incarnée par Holly, une jeune australienne qui s’est fait connaitre sur internet le 3 janvier 2018, de manière posthume. La veille de son décès, elle a publié sur les réseaux sociaux un véritable hymne à la vie, qui a été repartagé plus de 100 000 fois rien qu’en France.
Nous ne devons pas nous arrêter et ressasser les petits tracas de la vie. Ils ne signifient qu’une seule chose : nous sommes encore en vie et c’est une grande chance, pour nous et pour nos proches. Quand viendra la mort, ce n’est pas de ces tracas que nous nous souviendrons. Nous penserons à des moments de bonheur, de solidarité, de réussite, de ces moments qui tissent des liens indestructibles entre les êtres.
C’est en redécouvrant que nos vies sont fragiles et que le temps nous est compté, en profitant de chaque instant, que nous sommes fidèles à tous ceux qui nous ont quittés.
Photo de l’article : Ester Marie Doysabas