Apprendre que l’un de ses parents est gravement malade
Apprendre que l’un de vos parents est gravement malade : comment réagir ?
Être là pour ses parents, sa famille et penser aussi à soi quand le pire se produit.
Après le premier article de notre série estivale réalisée en lien avec Lindsay, nous poursuivons avec ce partage d’expérience qu’elle nous livre : ce qui s’est passé et comment elle s’est organisée lorsqu’elle a appris la maladie de sa mère.
Le 12 décembre 2012, j’ai appris que le cancer du côlon de ma mère était revenu. C’était mon premier jour dans mon nouveau job. Au moment où je me suis connectée pour la première fois à ma boîte mail professionnelle, mon portable a sonné. C’était mon père (qui ne m’appelle jamais) et qui pleurait (il ne pleure jamais). Les examens ont révélé que ce que nous pensions être des cicatrices de ses opérations passées étaient en réalité un énorme tissu de tumeurs inopérables. (Demandez toujours un deuxième avis quand vous recevez de bonnes nouvelles sur l’évolution d’un cancer !). J’ai essayé de garder mon calme, suis sortie dans le froid des rues de la ville pour appeler quelques amis, avoir leur soutien, puis suis revenue travailler pour mon premier jour. Tout était flou. Ma mère m’avait dit ce jour-là “Ce n’est pas comme si on m’avait dit que je n’avais plus qu’une année à vivre”.
Elle aura vécu 15 mois exténuants après ce jour-là.
Pendant ces 15 mois, nous avons eu de nombreux signes qu’il fallait sortir du déni. Comme la fois où maman a montré les photos de sa chirurgie à sa meilleure amie Betsey, ancienne infirmière, qui a éclaté en sanglots dans ses bras. Ou le fait que notre Noël de 2013 a été annulé, alors que ma mère est du type à acheter des cadeaux de Noël toute l’année. Ou encore le fait que, parce que le cancer avait atteint son système digestif, elle a dû être nourrie exclusivement par intraveineuse pendant les 6 derniers mois de sa vie.
Bien sûr, tout professionnel de santé lisant cet article comprend : il existe une limite à la durée de vie d’une personne qui ne vit que par intraveineuse… Même si un médecin (ou ma mère) nous avait donné une échéance, je ne sais pas si cela aurait sorti ma famille du déni derrière lequel nous nous protégions. Mais je sais une chose : ça aurait été beaucoup plus simple si on avait posé des questions.
Conseil 1. Essayez de poser toutes vos questions
Un brouillard s’installe rapidement dans le chaos émotionnel lors d’un diagnostic potentiellement terminal ou d’un parent handicapé. Donc votre mission est de tenter de vous informer le plus possible auprès des médecins pour comprendre au mieux ce qui se passe et ce qui va se passer, tout en respectant les souhaits de vos parents concernant ce qu’ILS veulent savoir. Bien évidemment, cela ne concerne pas les morts subites.
Par ailleurs, certains patients préfèrent entendre les nouvelles avec leurs familles et d’autres seuls. Kimberly Brown, médecin urgentiste à Memphis, Etats-Unis, dit que la plupart du temps elle a eu des patients préférant avoir leurs enfants (ayant atteint l’âge adulte), autour d’eux quand ils doivent avoir ces discussions importantes avec les médecins.
“Personnellement je préfère parler à la famille réunie. Comme ça, il n’y a pas de malentendus”, dit-elle. “Votre parent malade ne comprend pas forcément quelles sont les questions à poser, sentez-vous donc libres de poser toutes vos questions. Vous êtes leurs yeux, leurs oreilles, leur cerveau, mais aussi leur confort”.
“Sentez-vous libres de réagir comme vous le sentez jusqu’à ce que vous ayez digéré la nouvelle. Personnellement, j’ai voulu être celle qui serait forte, pour soutenir mon père et mon frère. Mais je m’effondrais à chaque fois que je n’étais pas avec eux”. Jen, a perdu sa mère à 24 ans
Brown insiste sur le fait qu’il ne faut pas avoir peur de poser toutes les questions seul(e). “Votre parent est probablement en train de digérer la nouvelle et vous fait confiance pour endosser la charge mentale”, estime Brown. Vous pouvez ainsi demander à vos parents, en amont, s’ils vous donnent la permission de parler aux médecins de leur santé. “Si votre parent vous a donné la permission de parler pour eux, c’est totalement acceptable de demander au médecin de lui parler seul à seul”, dit-elle. “J’ai plus souvent été confrontée à des parents qui ne savent tout simplement pas quoi dire. Ne dites rien dans ce cas. La jeune génération est bien plus informée sur la médecine et les maladies, car ils ont plus facilement accès à l’information”.
Aussi, il est important de suivre les souhaits de vos parents en ce qui concerne ce qu’ils veulent savoir personnellement. “C’est toujours mieux de laisser le patient diriger la conversation. De nombreux patients préfèrent en fait de ne pas écouter leur diagnostic ou l’évolution potentielle de leur maladie, et leurs souhaits devraient être respectés”, explique Nancy Brook, infirmière au centre médical de Stanford qui travaille avec des patients atteints de cancers depuis maintenant une vingtaine d’années.
“Néanmoins, cela n’exclut pas de discuter en privé avec l’équipe médicale et de leur poser les questions qui vous semblent importantes pour que vous puissiez soutenir le patient pendant sa maladie”.
“Certains d’entre nous ont trouvé que les médecins auraient dû être plus directs sur la situation depuis le départ, je ne suis pas sûre d’être d’accord avec ça. Je pense qu’ils ont essayé d’être le plus directs possible, mais les gens digèrent les nouvelles plus ou moins rapidement”. Bennett, a perdu sa mère à 35 ans
Quelques exemples de questions que vous pouvez poser à l’équipe médicale qui s’occupe de votre parent s’il est en phase terminale : Peut-il(elle) m’entendre ? Puis-je le (la) toucher ? Combien de temps nous reste-t-il ?
{…} A propos du fait de demander aux médecins l’espérance de vie de votre parent malade, Brown répond : “C’est toujours bon de demander combien de temps il leur reste. Le temps est bien trop précieux, et il est important de déterminer quelle est la meilleure manière de l’utiliser”. Mais Brook met en garde contre le fait que même si vous pouvez demander (en privé, si nécessaire) une date butoir, “A moins qu’un patient soit en train de mourir, il peut être très difficile de répondre”.
Conseil 2. Sollicitez vos proches pour obtenir leur soutien
Une fois que vous avez une idée claire de ce qu’il se passe (ou sur ce qu’il s’est passé), vous allez être obligé(e) de changer vos habitudes pour y intégrer cette nouvelle réalité. Vous allez devoir soutenir vos parents et les membres de votre famille, tout en prenant soin de vous.
C’est une situation qui se vit de manière si différente en fonction des personnes, des familles, qu’il est peu aisé de donner des conseils, toutefois Rebecca Soffer de Modern Loss en donne quelques uns :
Chacun de vos amis vous apporte quelque chose de différent. L’un d’entre eux fait ressortir votre côté enfant, un autre va vous aider à recoller les morceaux. Un autre encore n’a pas peur de vous parler de tous les sujets, et vous en aurez besoin. Dans l’adversité, la perte imminente d’un être cher, son décès, c’est indispensable.
Pensez à ce que vos amis, pris individuellement, vous apportent, et choisissez un ou plusieurs amis qui pourront physiquement être là pour vous, pour avoir ces conversations, si vous pensez que votre famille proche ne peut pas vous soutenir comme cela. Trouvez quelqu’un qui peut être à votre écoute chaque fois que vous recevez des nouvelles des médecins, à qui vous pouvez ensuite vous tourner et parler. Extériorisez ce que vous avez appris. Discutez de ce que vous pouvez faire ensuite.
Dans mon cas, j’étais entourée d’amis qui avaient eux-mêmes déjà perdu un parent, et ils m’ont tous proposé d’être à mon écoute. Mais j’avais aussi des amis qui ne comprenaient pas ce que je vivais. J’envoyais assez régulièrement des mails à mes amis proches pour les tenir au courant (et surtout pour qu’ils soient au courant de tout pour que quand je les verrais, nous puissions parler de choses joyeuses et faire une pause, oublier pendant quelques instants cette situation lourde (…).
Ces mails me permettaient aussi d’éviter d’avoir à répondre aux personnes qui, gentiment, m’envoyaient des mails ou des SMS me demandant des nouvelles, ce qui me déboussolait complètement dans mon travail. Quand je relis ces mails d’update, je me rends compte que beaucoup d’entre eux sont des copier-coller, ce qui me permettait de les écrire une seule fois.
“Entourez vous de vos amis, même si tout ce que vous voulez faire est vous cacher pour être seul(e)” Bex, a perdu sa mère à 30 ans
Pour ce qui est de soutenir ma mère, j’ai fait quelque chose qui ne me ressemblait pas du tout : je l’ai appelée tous les matins de la semaine pendant les 15 derniers mois de sa vie… Alors qu’avant, je ne l’appelais qu’une ou deux fois par mois. Toutefois, je me suis rendue compte que l’appeler chaque matin à la même heure, pendant mon trajet jusqu’au bureau, était rapidement devenu une habitude. Nos appels duraient moins de 5 minutes en moyenne, et ma mère savait que je me rendais au travail, donc elle me donnait des nouvelles de façon à ce que cela n’impacte pas ma journée de travail. Je l’appelais pendant le week-end pour avoir des mises au point plus complètes.
Je m’amusais à trouver des choses qui la feraient rire {…}. Ça me faisait du bien d’entendre sa voix tous les jours, et je sais qu’elle attendait avec impatience nos appels. Aujourd’hui, quand j’y repense, je suis très contente d’avoir instauré cette routine, et je regrette même de ne pas l’avoir fait avant.
Conseil 3. Essayez de retourner chez vos parents
Je rentrais chez mes parents bien plus souvent. Ma mère m’a dit très tôt qu’elle me dirait quand je devrais rentrer (dans le sens : pour la voir une dernière fois), et elle l’a fait (une fois), mais je voulais les voir plus souvent pendant sa maladie. {…}
Posez toutes les questions que vous voulez poser, reposez-vous sur vos amis, et faites en sorte d’être tolérants et doux avec votre famille, mais aussi avec vous-même.
Vous n’avez pas encore lu le premier témoignage de Lindsay ? Il est encore disponible ici.
Crédit photo : Jordan Sanchez