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Comment gérer son travail lors du décès d’un proche ?

Lindsay Robertson nous donne ses conseils pour gérer son travail lorsqu’on fait face au décès d’un proche. Elle explique comment bien communiquer auprès de ses collègues et savoir faire une pause. 

Un jeudi, alors que je rentrais du travail, j’ai reçu un appel me demandant de venir chez mes parents. C’était exactement quatre jours avant le décès de ma mère. “J’ai accepté qu’on me transfère à l’hôpital” m’avait-t-elle dit au téléphone. Elle m’avait expliqué qu’elle ne pouvait plus supporter la douleur depuis chez elle ou même gérer les longues heures d’administration de ses aliments qui lui permettaient de rester en vie. Elle n’a pas voulu aller en soins palliatifs. “Je pense que tu peux venir”, a-t-elle dit pour la première fois. “Je t’aime. N’aie pas peur.” Je n’ai pas réalisé à ce moment-là que ce seraient ses dernières paroles. 

Suite à cet appel, je suis retournée au travail, dans une entreprise en situation assez chaotique. Je suis allée m’asseoir à mon bureau, ai appelé une compagnie aérienne et ai réservé un billet pour rentrer chez mes parents le lendemain matin. J’ai demandé à mon boss si nous pouvions discuter en privé et je pleurais déjà en arpentant les longs couloirs pour aller le voir. Je lui ai dit que ma mère était mourante et que je devais rentrer. Il m’a pris dans ses bras et m’a dit : “Donc tu vas rester là-bas pour le week-end ?”, je suis restée sans voix. “Oui, pour le week-end… au minimum”. C’est là que j’ai réalisé qu’il ne comprenait pas ce qu’il se passait. C’était compréhensible. Je doute qu’il ait déjà été dans cette situation, et chacun d’entre nous avait beaucoup d’urgences à gérer pour le travail. Nous étions en période de crise. Personne ne prenait d’arrêt maladie, personne ne partait en vacances, personne ne partait du bureau avant 21h. Et personne ne rentrait chez soi sans avoir fixé une date de retour. 

Quand je suis revenue à mon bureau, j’ai envoyé un email aux chefs des autres départements avec qui j’avais l’habitude de travailler. Toutes des femmes. Toutes m’ont répondu quelque chose comme : “Rentre chez toi et ne penses pas au travail.” (…) “On prétend tous que c’est tout ce qui importe, mais ce n’est pas grave, rien ici n’a d’importance, prends le temps qu’il te faudra, et ne regarde même pas tes mails”. Ce sont pour moi des modèles, des femmes qui ont toujours travaillé plus dur que quiconque. Leurs réponses m’ont vraiment réconfortée. 

“J’ai eu la chance de travailler avec des gens qui ne surveillaient pas les absences des autres, et tout le monde a compris que je devais rentrer chez moi pour un petit bout de temps. Je suis revenue au boulot quelques jours après la mort de ma mère pour un projet qui lui tenait à coeur, et ça m’a fait du bien, mais je suis restée affalée sur mon canapé à lire des romans les jours qui ont suiviBex, a perdu sa mère à 30 ans.

J’ai écrit une note à mon boss et à mes collègues un mémo sur l’avancée de mes projets. Je leur ai assigné certains d’entre eux, en essayant d’en faire le plus possible, et ai informé les personnes extérieures à l’entreprise que je serai absente à cause “du décès d’un proche” en leur donnant le contact d’une autre personne pour me remplacer. Je me souviens avoir eu une pensée bizarre dans l’avion le lendemain : “et si maman allait bien ? Est-ce que tout le monde penserait que j’ai crié au loup ?” J’étais vraiment aveuglée par mon sens extrême du travail. Pathologique. 

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Note : ce paragraphe énonce les conditions de travail et de congés applicables à l’entreprise américaine de Lindsay. Cela est différent en France. 

Pendant le vol, j’ai lu les politiques relatives aux arrêts de travail pour cause de deuil de mon entreprise, avec le nombre de jours auxquels un employé aurait droit en cas de décès de l’un des membres de sa famille. Je crois que c’était 5 jours en cas de décès d’un parent, ce qui est considéré comme généreux, mais les autres membres de la famille méritaient moins : la mort d’une belle-fille, par exemple, ne donnait droit qu’à un seul jour d’arrêt. Quand j’y pense, la mort d’une belle-fille implique en général que des petits-enfants perdent leur mère, et dans ce cas, on n’a le droit qu’à un week-end de trois jours pour aider sa fille ou son fils pour gérer ça ? 

Quand je suis arrivée à l’hôpital le lendemain, il m’est apparu comme évident que je n’avais pas été assez claire avec mes collègues. Je recevais des milliers de questions auxquelles j’avais déjà répondu au mieux, et pourtant je recevais des invitations pour des conférences téléphoniques. Moi, j’étais assise en pleurs pour signer les papiers afin de cesser l’aide respiratoire de ma mère. Je suis donc allée dans une petite salle de l’hôpital pour écrire un email, en mettant le DRH en copie, expliquant que je serais injoignable pendant plusieurs jours, parce que ma mère était sur le seuil de la mort. Pour une fois, je crois ne pas m’être excusée. J’ai enlevé mes notifications de mails et d’appels, et les SMS se sont arrêtés, au moins pour les quelques jours qui ont suivi. 

“Je me souviens avoir appelé le boulot pour les prévenir que je venais de perdre ma mère (…). Ils m’ont dit de prendre tout le temps qu’il me faudrait. Je suis revenue quelques jours plus tard, et ils étaient tous choqués de me revoir. Je ne savais juste pas quoi faire de mes journées et j’avais besoin d’être occupée”. Jen, a perdu sa mère à 24 ans.

Les femmes avec qui je travaillais avaient raison : quand quelqu’un qu’on aime meurt, le travail n’a plus d’importance, et aucun travail n’est assez important pour être la priorité. Il y aura toujours quelqu’un au travail qui passe sa vie à travailler, et il vous faut être le plus clair possible quand des événements de la vraie vie se produisent. “Soyez le plus direct possible, mais ne vous sentez pas obligés de partager tous les moindres détails ou raisons qui vous ont permis de faire vos choix”, explique Jane Scudder, une coach spécialisée dans l’accompagnement de carrière basée à Chicago. Je sais que j’aurais du être plus ferme et claire dès le départ.

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“Si vous n’établissez pas vos règles dans certaines situations de la vie, d’autres le feront pour vous”, dit Rebecca Soffer de Modern Loss. “Quand vous avez entre 20 et 30 ans, c’est une période extrêmement difficile pour perdre un parent. On travaille dur, on essaie de faire ses preuves. Vous n’êtes peut-être pas encore très sûr(e) de ce dont vous avez besoin. Alors pensez à ce qui pourrait vous être le plus bénéfique.

“J’ai laissé un message téléphonique à mon boss pour lui donner ma démission le soir où j’ai appris la maladie de ma mère. Je savais que c’était grave et je voulais être avec elle. Elle a tout de suite compris. Je pense que je les ai laissés dans la panade”. Kate Spencer, auteure de “Dead Mom’s club”, a perdu sa mère à 27 ans. 

Au final, j’ai pris dix jours pour être avec ma famille (5 jours d’arrêt de travail et 5 jours de vacances). Cela m’a laissé le temps d’être à ses côtés jusqu’à la fin, de planifier son enterrement, puis une semaine pour marcher dans les bois avec mes frères et soeurs… Et apprendre à mon père comment faire ses courses par lui-même. Je ne peux pas m’imaginer ce que ça aurait été si j’avais dû les quitter le lendemain de l’enterrement. Ces jours passés ensemble furent tellement bénéfiques. Quand je suis retournée au bureau, tout allait bien. Mes collègues avaient fait le nécessaire pendant mon absence et beaucoup de choses qui semblaient importantes se sont révélées ne pas l’être. 

Dans toutes les vies professionnelles, des aléas se produisent et demandent une grande humanité. A un moment, un être cher tombera malade et mourra peut-être, un collègue sera atteint d’une maladie, quelqu’un aura un bébé…. La vie est toujours en marche.

Cet article est le cinquième de la série de témoignages de Lindsay Robertson. Vous pouvez retrouver le précédent ici.

Photo by Bethany Legg on Unsplash

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